« Juste du bleu – Elan » – 1995
Le rêve que l’on nomme vie
dans la chambre
c’est le corps tout entier qui attend
l’œil au cœur du désir
le chat lèche sa patte droite
la langue l’homme
les livres sur la table
ce qu’on tait
et les feuilles mortes dans l’été
l’ombre sur la toile cirée
l’homme absent
elle nue
elle en désordre sur le sol
endormie ou morte
ouverte aux regards
les secrets sont au-dedans
l’abandon
une lettre
un verre vide
voyages derrière les volets clos à la pleine lumière
oui, morte peut-être
le bleu pour ne pas disparaître
mouches
ah, la folie du corps
et la vie qui se lézarde
on ne sait plus comment tombe la pluie
l’odeur de terre mouillée
le visage dans les bras
la peau déployée
mais
on pourrait mourir
de seule fatigue
tête renversée
pour un baiser
nuque brune
coton blanc
du linge
ce qu’il faut de muscles et de peau
pour un baiser
rien ne vient
rien ne s’inscrit
à la fenêtre
le ciel posé
rien
les chevilles où se niche la jeunesse
toute l’enfance dans le ventre
hommes ignorants
un lot de vertèbres ne forme pas destin
l’aube n’arrive pas
l’amour se fait seul
mordre dans le chaud
restent quelques gouttes de sueur
elles aussi font leur chemin
leur temps d’éternité
est-ce que cela compte ?
Vingt bougies intactes
elle cherche la mer
rien ne répond
que des petits jouets
désarmés
les chats dorment sur le carrelage
cuisses humides
elle ne meurt toujours pas
au miroir
à la porcelaine du lavabo
le regard glisse
elle remonte
elle ment
tout ce sel
l’homme encore
aigre été
les silences les silence
un poil de chat tombe
sur le parquet
déchire l’attente
vient l’orage
elle se raconte de petites histoires
se presser le ventre au balcon du sixième étage
Soleil dur
toutes les choses qui sont dessous
et celles qui manquent
où sont les bras de l’homme
tout fait sexe
elle se souvient des marrons dans la cour d’école
et d’autres voyages tristes
l’inutile santé du corps
la ville et l’avenir dissous par le soleil
rien à penser
du couteau laissé sur la table
on ne se tue pas sans un mot
elle dort
plein jour
le chat calé sur son épaule
échapper au tragique
se réconcilier avec la verticalité
aux arbres rendre hommage
un sursaut
une page
loups invisibles
mais le courage est là
revenu d’entre les morts
elle frotte ses joues
avec une feuille de platane sèche
tombée sur le balcon
jadis on dessinait
sur le mur la silhouette de l’aimé
pour s’assurer de son retour
le voit les yeux fermés
comme dans une chanson
ou le détail dans la photo
sa peau de femme tient tout cela
sans faillir
ce qui fait récit
amour été chat
bloqué
par le secret
cousu de fil blanc
feux de broussaille
feux de forets
c’est là qu’elle est
renifle ses doigts
relève le menton
se couvre de coton
laisse ses genoux nus
sort